Le Nigeria devient le deuxième utilisateur de cryptomonnaies au monde, selon une étude


Comparé à d’autres régions du monde comme les Etats-Unis ou l’Europe de l’Ouest, l’Afrique subsaharienne ne pèse pas massivement sur le marché des cryptomonnaies échangées à l’échelle mondiale. « Comme les années précédentes, elle est la plus petite cryptoéconomie de toutes les régions du monde, représentant seulement 2,3 % des transactions globales entre juillet 2022 et juin 2023 », peut-on lire dans la section dédiée au continent du dernier rapport de la société d’études spécialisée Chainalysis, publiée mi-septembre. Mais plusieurs Etats africains se distinguent.

Totalement absentes dans certains pays, les cryptomonnaies sont devenues « une part importante de la vie quotidienne de beaucoup d’habitants » au Nigeria, au Kenya, au Ghana ou en Afrique du Sud, pointe Chainalysis. Le premier est passé de la 11e à la 2e place mondiale en un an (Kenya, Ghana et Afrique du Sud se placent respectivement au 21e, 29e et 31e rang) en termes d’adoption des cryptomonnaies, soit juste derrière l’Inde et devant le Vietnam, selon l’index publié annuellement par Chainalysis, qui met en avant le nombre d’utilisateurs et la part de leur richesse investie plutôt que les volumes globaux échangés.

Preuve de cet engouement, les transactions en cryptomonnaies au Nigeria ont continué à progresser malgré un contexte économique mondial en ralentissement et une période morose pour les cryptomonnaies, note le cabinet d’étude. Le géant ouest-africain est l’« un des six pays » du haut de l’index dont les volumes d’échanges ont progressé (+ 9 %).

« Solution d’épargne alternative »

Le pays pétrolier, fort de quelque 220 millions d’habitants, affiche des taux d’inégalités extrêmement élevés et illustre les difficultés que rencontrent actuellement de nombreux pays d’Afrique : crise économique, inflation, pénurie de dollars et effondrement de la monnaie locale. Le naira est la moins performantes des monnaies africaines suivies par Bloomberg, avec, selon l’agence financière, un taux actuel à 992 nairas pour un dollar sur le marché parallèle, soit 30 % de moins que son cours officiel.

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D’après Chainalysis, les Nigérians – comme les Kényans, les Ghanéens ou les Sud-africains – adoptent donc avant tout les cryptomonnaies par pragmatisme : pour tenter de mettre leur argent à l’abri. D’ailleurs, note le cabinet d’étude, ces utilisateurs choisissent essentiellement le bitcoin, la plus célèbre d’entre elles, loin devant l’éther ou d’autres « jetons », « se tournant vers celui qu’on appelle “l’or digital” comme solution d’épargne alternative ». « Tandis que les habitants de régions plus riches achètent et vendent plus de cryptomonnaies que ceux des marchés émergents, ces derniers ont un besoin quotidien plus important pour les cryptomonnaies, très en ligne avec la vision originelle du bitcoin et celle du secteur en général », argumente l’étude.

A Lagos, bouillonnante capitale économique nigériane, l’analyste Michael Famoroti, du cabinet d’intelligence économique Stears, confirme que les cryptomonnaies sont devenues « très populaires » ces dernières années pour l’épargne et les transferts de fonds, notamment venant de l’immense diaspora, mais qu’elles restent très rares dans les paiements. Et ce malgré les restrictions imposées par la Banque centrale, qui interdisait aux banques d’effectuer des transactions en cryptomonnaies.

« Gagner de l’argent rapidement »

« Cela a eu pour conséquence de déplacer l’environnement des cryptos vers un écosystème purement d’individu à individu, de portefeuille à portefeuille, via les plateformes d’échange, et ensuite les gens ont trouvé toutes sortes de solutions pour convertir ces cryptos sur un compte local ou international », explique l’analyste.

La spéculation (trading) est un autre usage qui a fait fureur ces dernières années dans ce pays à la population très jeune, digitalisée et en manque criant d’emploi. « En 2021, quand les prix des cryptos s’envolaient, les gens ont vu ça comme une opportunité pour gagner de l’argent rapidement », rappelle Michael Famoroti, estimant que « plusieurs centaines de milliers de Nigérians, peut-être plus, bombardaient alors les plateformes de cryptos pour se faire de l’argent ».

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Cette frénésie s’est récemment tassée, souligne-t-il, en raison notamment des turbulences qu’a connues le secteur. Les cours ont chuté – le bitcoin est passé d’un record de 69 000 dollars en novembre 2021 à environ 26 000 dollars actuellement –, tandis que plusieurs plateformes d’échange comme FTX ont fait faillite. « Le marché est moins bouillant », estime-t-il, même si, dans un pays où chacun se bat pour gagner sa vie, il « existe toujours, car les gens se sont mis à spéculer sur cette volatilité même ».



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